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Tom Aubrun : une carrière riche d'apprentissages

  • RAPH
  • 27 mai
  • 12 min de lecture

Ambassadeur OurZone Goalies, Tom Aubrun s’est livré à OurZone à travers cette interview aussi passionnante qu’enrichissante à propos de sa carrière mais aussi de ce que ses années NCAA ont représenté pour lui mais aussi pour la suite de sa carrière. Avec cette interview, plongez au cœur de sa carrière et découvrez Tom Aubrun dans toute sa splendeur.

 




 

Sans savoir ce qu’il l’attendra dans sa vie, Tom Aubrun chausse les patins pour la première fois à l’âge de 4 ans dans le club de Chamonix. Dès ses 13 ans, il s’expatrie à Phoenix en Arizona où il effectuera une année avant de prendre le chemin de Villard avant de rapidement rejoindre les Dragons de Rouen pour une période de 4 ans. Puis Tom retourne aux États-Unis où il jouera un an en USPHL. Dès lors, la carrière de Tom Aubrun prendra une ampleur sans précédent. En effet, Tom décide d’entrer dans les rangs de Norwich University en NCAA III pendant 4 saisons. Lors de ce passage, Tom établira des records que nous n’imaginions même pas. À tel point qu’il signera un contrat AHL avec les IceHogs de Rockford. À la suite de cette signature, il passera 4 années professionnelles en outre-atlantique. À l’issue de sa dernière saison, il signera en Synerglace Ligue Magnus dans son club d’enfance : les Pionniers de Chamonix où il évolue depuis maintenant 2 ans.

 

Lorsque nous avons évoqué ces années en NCAA à Norwich University, Tom Aubrun s’est montré très ravi d’en parler : « C’était incroyable ! Norwich University se situe dans un petit village de 500 personnes dans le Vermont, il y avait à peu près 3500 élèves je dirais. Comme c’est une université qui a originellement été créée pour les militaires, j’étais dans la partie civile de l’université. On devait respecter certaines règles de conduite pour ne pas perturber ceux qui y étaient en tant que militaires. De ce fait, c’était assez calme. On avait aussi un très bon équilibre entre l’école et le hockey, les après-midis on passait notre temps à la patinoire pour s’entraîner, c’était génial ! »

Cet environnement ne pouvait que le mettre dans des conditions adéquates pour performer au mieux. Lors de ses 4 saisons à Norwich, Tom a comptabilisé un total de 65 parties effectuées pour d’impressionnantes statistiques avec une moyenne de buts accordés de 1.27 buts/match accompagnée de 94,6 % d’arrêts et surtout un incroyable total de 20 blanchissages et une fiche de 50 victoires, 7 défaites et 6 défaites hors du temps réglementaire. Ce n’est pas tout ! Tom Aubrun a donc logiquement fait pleuvoir les records et les distinctions personnelles avec le plus de blanchissages consécutifs lors de sa 4e saison NCAA (9) et le plus de minutes consécutives sans accorder un seul but (572 minutes cumulées). Ces records ne sont pas seulement en NCAA III mais sur toutes les divisions confondues du circuit universitaire. Toujours lors de cette fameuse saison historique, Tom a obtenu le plus de blanchissages dans une saison régulière (14) ainsi le plus grand nombre de blanchissages en saison régulière sur une carrière en NCAA III (20). Le portier de 29 ans possède également la moyenne de buts accordés la plus basse d’une carrière NCAA III ainsi que le plus haut pourcentage d’arrêts d’une carrière NCAA dans toutes les catégories confondues.

Quant aux distinctions personnelles de cette saison 2019-2020, Tom Aubrun a reçu le trophée Sid Watson, récompensant le meilleur joueur du circuit NCAA III. Ce dernier a également été récompensé du meilleur joueur de sa conférence, tout en étant élu comme étant le gardien de l’année de cette même conférence. En plus de ces distinctions issues de la saison régulière, Aubrun a obtenu le titre de meilleur joueur des playoffs de sa conférence.




 

Tom Aubrun nous a même confié ceci à propos de cette saison historique : « Franchement c’était invraisemblable ! Le style de jeu défensif de l’équipe m’a aidé à performer. Mes bonnes statistiques et mes blanchissages consécutifs ont aidé à remplir la patinoire de plus en plus et à ramener des scouts NHL a chaque matchs à partir du milieu de saison. C’est une fierté d’avoir enchaîné 9 blanchissages de suite car c’est un record NCAA All-Time qui a été établi, dans toutes les catégories confondues de la NCAA, ça m’a permis d’établir tous ces records. C’est aussi ce qui m’a, entre autres, permis de signer mon contrat AHL. J’avais plusieurs invitations à des camps de NHL. J'ai décidé de faire confiance aux Rockford Icehogs qui me proposait un contrat AHL au lieu d’un camp NHL ce qui offrait plus de garantie. »

D’un point de vue personnel, Tom a tenu à ajouter que « Cette année-là était géniale dans tous les aspects. J’ai obtenu un bachelor en Business et puis au niveau du hockey il y a eu les records et l’esprit d'équipe incroyable. On a aussi eu un très beau parcours en perdant en finale du championnat national ma troisième année qui a fait mal mais qui reste une très belle expérience.  Je me sentais en totale confiance, surtout par rapport à ma 1ere année où j’ai très peu joué, qui était difficile d’un point de vue personnel et mental. Puis ma 2e année c'était un peu mieux et je commençais à jouer de plus en plus. Puis nous avons changé de coach lors de ma 3e saison. Ce changement a été un tournant pour moi en NCAA puisque ça a tout de suite cliqué avec lui. J’ai rapidement gagné sa confiance et mon temps de jeu a drastiquement augmenté aussi. Puis la 4e année a été fantastique car j’avais la pleine confiance du coach, je savais que la cage était mienne et c’était génial car je pouvais totalement me concentrer sur mon jeu et mes performances. »

 

Malheureusement, toute bonne chose a une fin et Tom Aubrun l’a bien appris à ses dépends. Dès la fin de cette saison historique, le Chamoniard a donc décidé de s’engager avec les IceHogs de  Rockford en AHL. Très vite, Tom a découvert la dure réalité du hockey professionnel en Amérique du Nord : « Mes premières années professionnelles ont été compliquées. Elles l’ont été car je sortais de Norwich et j’étais en pleine confiance, j’avais la totale confiance du coach et je n’avais pas à me soucier de la concurrence. Une fois professionnel, c’était tout autre chose. Je devais faire face à la concurrence des autres gardiens qui travaillaient très fort pour cette même place. Puis je me devais de prouver que j’avais ma place et que mon contrat AHL était adéquat pour moi, un gardien français qui arrivait d’un niveau inférieur par rapport à la plupart des autres gardiens. Lors du camp de pré-saison, j’ai eu le COVID, ce qui m’a valu de perdre du temps par rapport aux autres gardiens. Une fois revenu du COVID, j’ai eu du mal à revenir physiquement à cause de la maladie et le retard s’est aussi accumulé. La première saison j'étais coincé dans le “taxi squad” ou bulle où les joueurs restaient pour remplacer les joueurs qui pourraient attraper le COVID. J’étais coincé en AHL la majorité de la saison à m’entraîner avec un petit groupe (à l’écart de l’équipe complète) et je ne jouais jamais. Normalement, j’aurais dû être en ECHL pour jouer beaucoup de matchs et gagner en expérience, ce qui aurait nettement amélioré mon CV. Lors de la deuxième année, les restrictions liées au COVID étaient finalement levées. Cependant, j’avais déjà raté la coche avec le retard pris et les équipes AHL et ECHL m’avaient déjà mis en retrait. J’ai tout de même cravaché mais cela n’a pas suffi. Je n’ai pas eu les opportunités pour m’installer, prendre confiance et montrer ce que je pouvais faire. Quant à la 3ème année, je suis descendu en SPHL, pour un nouveau départ. Malheureusement la frustration et le manque de passion à ce stade ont fait que je n’ai pas réussi à m'épanouir et à performer à ce niveau non plus. Je me suis fait échanger 4 fois en 4 mois pour des raisons de place et de contrat au sein des équipes et j’ai finalement décidé de mettre fin à ma carrière nord-américaine à la mi-saison de ma 3ème année pour rentrer en France. »

 

En prenant du recul, Tom Aubrun ne cantonne pas son expérience aux moments difficiles passés. Il en retient tout de même que du positif à tel point que Tom évoque avec fierté ce que ces années professionnelles représentent pour lui : « Malgré tout, je ne retiens que le positif et j’en ressors avec un bagage mental plus important qu’avant. Je pense que cette expérience m’a aussi fait grandir en tant que joueur, ce qui m’aide énormément au quotidien par rapport à la pression qu’on pourrait ressentir en tant que gardien. Ces années ont été incroyable dans le sens où jamais je n'aurais pensé m’entraîner avec des superstars du hockey comme Patrick Kane, Jonathan Toews ou encore Marc-André Fleury dans ma vie. Avec du recul, je me dis aussi que pour un petit venu de Chamonix, en arriver là et être aussi proche de la NHL est une réelle fierté ! »





 

Concernant son retour en France, évoluer pour les Pionniers de Chamonix n’a pas toujours été une évidence. Ce choix de carrière s’oriente davantage sur les valeurs que Tom souhaite véhiculer mais aussi sur ce qu’il aspire à être pour la suite de sa carrière : « Pour être honnête, je ne pensais pas à revenir à Chamonix car pour moi c’est synonyme de maison et de confort. J’ai donc voulu me diriger vers le marché européen. Puis je me suis vite rendu à l’évidence, mes saisons mouvementées n’ont pas jouées en ma faveur avec des statistiques peu séduisantes. D’un autre côté, je suis un gardien assez similaire à Papillon qui n’est pas très grand en taille. Parfois, ça nous joue des tours par rapport aux différents critères que les clubs ont par rapport au poste de gardien. Pour ne rien vous cacher non plus, j’ai clairement songé à mettre un terme à ma carrière pour de bon avant ma signature à Chamonix. Puis quand je suis rentré en France, j’ai vite eu à cœur de retrouver avant tout le plaisir de jouer au hockey car c’était très important de retrouver ça. C’est vraiment ce que je recherchais et ce que je continue de rechercher dès à présent dans ma carrière. Je remercie aussi Chamonix qui a cru en moi et qui m'a fait confiance par rapport à d’autres équipes Magnus qui étaient réticentes à mon égard. »

 

Comme une rédemption pour Tom Aubrun, sa signature aux Pionniers de Chamonix lui a permis de retrouver son âme de compétiteur, sa ville natale mais aussi sa famille. À travers ces deux dernières campagnes, ce dernier su emmener Chamonix dans une toute autre dimension du hockey français en passant du maintien aux playoffs, le tout en retrouvant ce qui lui avait tant manqué : sa passion pour le hockey. Lorsque nous l’avons questionné sur sa 2e saison en Synerglace Ligue Magnus, Tom a eu à cœur de nous montrer sa satisfaction à l’issue de cette saison : « Cette saison a été assez positive dans l’ensemble. On a rempli notre objectif qui était de faire les playoffs. On ne voulait pas seulement participer aux playoffs, on avait à cœur de tout donner et de montrer au reste de la ligue que ce n’est pas juste une qualification en playoffs. Je pense aussi qu’on n’a pas rendu la tâche facile à Angers. En bref, malgré nos hauts et nos bas et des difficultés au sein du groupe, la saison a été très positive. »

 

En parlant d’objectifs, Tom nous a fait part de ses objectifs personnels pour la suite de sa carrière, il y évoque l’enjeu d’emmener Chamonix au sommet de la Ligue Magnus. Ce n’est pas tout, il nous a également clamé son amour pour le hockey mais surtout pour son club d’enfance dans sa déclaration : « Comme énoncé précédemment, j’ai retrouvé ma passion pour le jeu et c’est aussi ce que je continuerai à rechercher pour la suite de ma carrière. Lors de ma première saison à Chamonix, j’ai vécu ma toute première sélection en équipe de France senior. J’ai espéré que cela se poursuive mais ça ne s’est malheureusement pas fait. Ma relation avec l’Équipe de France est ce qu’elle est actuellement. Je pense que je suis un peu déçu dans le sens où j’aurai aimé que ma première sélection arrive plus tôt dans ma carrière, notamment quand j’étais à Norwich University ou même en AHL et pourquoi pas m’y établir. Mais c’est le passé et je pense qu’on a une belle génération de gardien qui commence à s’établir en Équipe de France. Puis à la suite de cette saison, j’ai eu des offres alléchantes comme Marseille qui proposait un très beau projet. J’ai décidé de décliner dans l’optique de rester à Chamonix pour des raisons personnelles et je suis également attaché au club de Chamonix qui est mon club d’enfance. Je veux tout donner et apporter mon expérience pour laisser ce club dans la meilleure position possible le jour où je n’y serai plus. J’ai avant tout envie de rendre à Chamonix tout ce qu’il m’a donné tout en continuant à jouer pour la passion du hockey et du club. »

 

Malgré tout, performer n’est pas une tâche facile, d’autant plus au poste de gardien où il faut être prêt à tout moment, que ce soit en étant le gardien partant ou en démarrant sur le banc. De plus, performer une fois n’est pas chose aisée, mais performer sur toute une saison l’est encore plus. Tom l’a bien compris en se mettant dans les meilleures dispositions, notamment avec des routines :

« Bien évidemment, j’ai des routines de préparation physique avant chaque match. Elles me permettent de bien m’échauffer comme il se doit. Mais j'essaie de ne pas être superstitieux. Je mets en priorité ma préparation mentale par rapport à ma préparation physique. J'écoute beaucoup mon corps et comment je me sens avant le match et j’adapte. Je joue un peu au Nouveau, je fais de la visualisation et de la méditation. J’ajuste également ma préparation en fonction de mon état, si je sens que je dois me calmer ou trouver un meilleur d’être plus excité pour me rapprocher de ma zone de performance. Je pense que les routines sont importantes mais j’essaie de ne pas être superstitieux. Ça peut vite mettre à mal ta préparation. Il suffit qu’il y ait un paramètre qui n’aille pas et ça peut vite être compliqué dans le jeu. J’essaie d’écouter mon corps et je pense que ça m’a fait gagner en maturité. Grâce à la préparation mentale, j’arrive à me mettre dans des prédispositions pour pouvoir performer au mieux. »

 

Tandis que les routines de préparation physique et mentale aident le Chamoniard à performer dans l’immédiat à l’approche d’une rencontre, ce qui l’aide principalement à progresser en dehors de la glace et entre les saisons est la préparation estivale effectuée en intersaison. Tom nous a affirmé qu’il n’a pas toujours pris ce paramètre au sérieux au cours de sa carrière, chose qu’il regrette un peu. Malgré tout, ce dernier a toujours fait avec les moyens du bord quand il le pouvait. C’est ce qu’il nous affirme en disant ceci : «  La préparation physique est le plus important. J’ai la chance d’avoir un pote qui me fait des programmes. Malheureusement, j’ai pris ça trop tard au sérieux et c’est important de savoir ce que tu bosses et pourquoi. Aux États-Unis, je ne pouvais pas me permettre de prendre un préparateur physique personnel donc j’allais à la salle mais c’était assez peu structuré dans les cycles, les méthodes d’entraînement, etc. Je fais assez peu de préparation mentale puisque je ne fais pas appel à un préparateur mental même si j’avoue que je devrais en faire beaucoup plus. Je faisais appel à un préparateur mental quand j'étais en AHL, surtout pour parler de ma frustration, la pression ressentie, etc. Ce qui m’a aidé et qui continue de m’aider ce sont surtout mes expériences aux États-Unis, comme par exemple lorsque j’ai joué mon 1er match en AHL devant tous les dirigeants des Chicago Blackhawks. Ces situations me mettaient davantage sous pression. Elles étaient beaucoup plus anxiogènes par rapport aux matchs en Magnus et ça m’aide énormément. Je pense que, même si en Amérique du Nord tout ne s’est pas toujours bien passé, j’ai ramené ce bagage d’expériences avec moi, ce qui m’aide au quotidien. Je suis un gardien assez calme qui ne se laisse pas submerger par les moments compliqués. Ce sont plus les expériences vécues et la maturité que j’ai qui font que je suis ainsi, bien que ce soient des choses qui se travaillent et se perfectionnent aussi avec la préparation mentale. De plus, j’ai aussi un meilleur équilibre dans ma vie. Cela me permet de me sentir mieux dans ma tête et de pouvoir mieux performer. J’essaie tout de même de me mettre en situation de jeu avec la visualisation. Je pense que ça aide à ne pas trop perdre, même si après 3 mois sans glace un tir paraît toujours comme un missile. »

 

Au cours de sa carrière, Tom Aubrun n’a cessé de faire face à l’adversité mais aussi à l’échec. Ces échecs n’ont pas défini sa valeur mais ce qu’il a choisi de devenir lorsqu’il affrontait un quelconque obstacle. Résilient, Tom ne s’est pas effacé et a même montré sa véritable identité quand le moment était venu. Cette résilience et son refus d’abandonner son rêve de vivre du hockey lui ont permis de repousser sans cesse ses limites. Avec une grande humilité, le portier de 29 ans nous confie que s’il devait donner un conseil à n’importe quel jeune, il s’agirait d’être prêt à « accepter de faire des sacrifices. Faire plus que ce qui est proposé dans vos clubs en termes de glace et de préparation physique. Ce serait super de pouvoir rester en France et finir en NHL. Malheureusement, ce n’est pas souvent le cas, à part Texier. Mon parcours est celui que je proposerais, notamment quand on voit que les joueurs français ayant joué en NHL sont quasiment tous partis pour combler leurs retards. Il faut avant tout croire en soi dur comme fer et de vraiment cravacher. Par exemple, je n’ai jamais été un grand fêtard. Cela m’a permis de toujours vouloir en faire plus et faire ce qu’il faut pour être à la portée de mon rêve. Même si c’est dur mentalement par rapport aux contraintes de la distance avec sa famille et de la concurrence, c’est important de toujours s’accrocher et de continuer à y croire. »

 

Ce message rempli de bonté et de détermination caractérisent bien la personne qu’est Tom Aubrun. De nos jours, il est difficile d’accéder et de rester au plus haut niveau. Tom l’a bien compris et sa carrière riche en apprentissage en est la preuve vivante. Quoiqu’il en soit, nous retiendrons que, malgré les hauts et les bas qui peuvent survenir dans une vie, il est capital de s’accrocher à ses rêves et d’employer toutes ses ressources pour parvenir à ses fins.

 

 



 

 


 

Par Raphaël Dangueuger

 
 
 

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