Actuellement en pleine campagne des play-offs de la KHL, Stéphane Da Costa a effectué une saison tonitruante avec pas moins de 54 points en 60 matchs, dont 18 buts inscrits et 36 passes décisives délivrées au cours de la saison régulière. À 34 ans, Stéphane Da Costa pourrait très bien connaître les dernières saisons d’une carrière des plus impressionnante et complète dans le monde du hockey professionnel.
Avec Our Zone Goalies, nous avons interrogé Stéphane sur l’ensemble de son parcours professionnel, mais aussi sur le chemin qu’il a emprunté pour en arriver là. De ce fait, nous vous proposons un portrait détaillé et raconté par Stéphane Da Costa.
Pourriez vous me raconter votre parcours en jeune, notamment votre sport étude mais aussi vos années junior aux États Unis ?
« J’ai commencé le hockey sur glace à Dammarie-les-lys. J’ai joué en jeune à Évry, Viry-Châtillon puis je suis parti de la maison pour le sport-étude d’Amiens à l’âge de 16 ans.
Grâce à de bons championnats du monde en équipe de France U20, j’ai eu la chance d’avoir été repéré pour aller jouer en NAHL aux États Unis. À ce moment-là, es hockeyeurs français n’étaient pas vraiment reconnus dans le monde du hockey. Malgré tout, j’ai été très bien accueilli et j’ai eu la chance de bien faire dans une ligue inconnue pour moi. Puis Sioux City a contacté mon conseiller sportif afin de me recruter pour jouer dans la ligue USHL. J’ai beaucoup progressé dans cette bonne ligue junior américaine et, après deux ans et un baccalauréat américain, j’ai eu la chance d’avoir été recruté par l’université américaine Merrimack College. Merrimack était une équipe dans la division la plus difficile de la NCAA Division I (Hockey East). Ils étaient derniers et avaient un bilan assez moche, mais notre classe de “freshman” (joueurs recrues en NCAA) était très talentueuse et nous avons fait une première année pleine de promesses. Lors de notre deuxième année, nous avons terminé la saison en 5eme positions de toute la NCAA, nous avons perdu en finale de la division Hockey East, et donc au pied du Frozen Four (carré final du championnat NCAA Division I) en prolongation. Grâce à ces deux années où j’ai énormément grandi en tant que hockeyeur, j’ai finalement signé mon premier contrat (« entry level contract ») avec l’équipe NHL des Sénateurs d’Ottawa. »
Pouvez-vous nous décrire le hockey universitaire aux Etats Unis ? Comment avez-vous fait pour vous acclimater et être performant dans un nouveau pays avec un style de jeu différent de la France et de l'Europe ?
« Le hockey universitaire est un mix entre le junior et le professionnel. Ce sont des joueurs âgés de 18 à 25 ans. J’ai adoré l’atmosphère universitaire, avec des « bands » et des étudiants fans de notre équipe. C’était incroyable. Le hockey était bien sûr très différent du hockey en Europe. Les glaces sont plus petites, donc c’est un style beaucoup plus agressif et moins tactique. La transition du hockey en Europe jusqu’au hockey aux États Unis a été difficile mais avec des petits ajustements, ça a bien fonctionné pour moi. »
Comment s'est déroulée votre arrivée en NHL et en AHL ? Comment avez-vous vécu d'alterner entre la AHL et la NHL ?
« Mon arrivée en NHL a été assez « overwhelming » car je passais de 45 matchs par année à 14-15 matchs par mois. C’était difficile et je ne pense pas que j’étais prêt à jouer dans un calendrier aussi chargé. Malgré tout, cela ne m’a pas empêché de connaître quelques bonnes prestations en NHL. Malheureusement, j’ai dû faire l’ascenseur entre la NHL et la AHL. Lors de ma troisième saison, j’ai effectué une très bonne saison en AHL et je jouais bien les peu de matchs en NHL mais j’étais bloqué en 3eme, 4eme ligne, ce qui n’est pas forcément mon rôle. Après cette dernière année, j’ai voulu avoir un contrat « one way » en NHL (seulement en NHL), ce qui n’a pas été accepté donc j’ai décidé de partir et mettre les voiles en KHL. »
Pensez-vous que vous auriez pu vous établir sur le long terme en NHL comme à l'image de Roussel ou même de Bellemare si vous n'aviez pas été freiné par les blessures ?
« Les blessures n’ont pas été fréquentes quand j’étais aux États Unis. Elles ont plutôt débuté en KHL. Je n’ai pas eu la chance de réussir en NHL mais honnêtement je me plais bien en Russie, je joue mon rôle et je m’épanouis dans ce rôle. »
Qu'est-ce qui vous a poussé à poser vos valises en KHL ? Pourquoi ce championnat et pas un autre ? Avez-vous eu d'autres offres dans d'autres championnats ?
« J’ai posé mes valises en KHL car Ottawa ne voulait pas me donner de contrat « one way » en NHL et je ne voulais plus jouer en AHL. J’ai été recruté par le CSKA Moscou, un club mythique en Russie et je n’ai pas hésité une seule seconde. J’ai choisi la KHL car, selon moi, c’est la deuxième meilleure ligue au monde et j’avais des choses à prouver. J’ai eu beaucoup de propositions en Europe mais j’étais décidé à aller jouer en KHL. Après mes trois saisons en KHL, j’étais très proche de signer un contrat « one way » avec les Oilers d’Edmonton avec de belles promesses. Malheureusement, j’ai eu un problème de santé assez conséquent, une grosse opération et deux mois dans un lit d’hôpital. Donc j’ai dû arrêter les négociations avec les Oilers et j’ai fini la saison au Genève-Servette. »
Pouvez vous nous décrire la vie d'un joueur de KHL en Russie ? Comment avez-vous fait pour vous acclimater au style de jeu de la KHL ? Qu'est-ce que vous aimez le plus dans votre vie de joueur de
KHL ?
« La vie d’un joueur en KHL est assez difficile. Il y a beaucoup de matchs et les voyages sont très difficiles avec énormément de décalage horaire. De plus, le style de jeu a changé au fil de mes années en Russie. Au début, ils avaient des grandes glaces pendant mes 3 premières années et j’adorais ça. C’était très technique et très tactique. Maintenant, les glaces sont pour la plupart comme en final, c’est-à-dire aux dimensions 58x28 ou alors comme en NHL avec les dimensions 56x26. Le jeu s’est durci et je trouve que le jeu est donc un peu plus brouillon par moment, plus intense dans les batailles, et moins de jolies buts bien construits. Il s’agit seulement de mon opinion bien sûr. »
Vous êtes bien évidemment un joueur dominant en KHL depuis votre arrivée en 2014, ce qui fait déjà 10 ans. Qu'est-ce qui fait que vous avez autant de succès, et ce, peu importe l'équipe avec laquelle
vous évoluez et quelles sont vos attentes personnelles et collectives par rapport au reste de la saison ?
« C’est sympa de l’entendre. Oui j’ai eu pas mal de succès, mais malheureusement, je n’ai jamais gagné la coupe même si j’y étais très proche.
Je pense que le succès individuel est aussi dû à la confiance des équipes et des entraîneurs en mes capacités. Ceci est aussi le fruit d’un travail de longue haleine tout en ayant la mentalité d’essayer au mieux d’être au top tous les jours, de progresser chaque jour, même à mon âge. Le hockey change et devient plus rapide et il faut s’adapter chaque année.
Pour la suite de la saison, j’aimerais aller loin en play-offs cette année et apporter du succès dans une ville très amoureuse du hockey comme celle d’Ekaterinburg. D’un point de vue personnel, il y a toujours des aspects à perfectionner. Tous les aspects sont à travailler et perfectibles, que ce soit du patinage à l’anticipation, la concentration, le sens du jeu, réagir plus vite que les autres, l’attention aux détails ? Ce sont des aspects issus du travail quotidien. »
En ce qui concerne l’équipe de France, quelles sont vos attentes avec les bleus lors des années à venir ? Pensez-vous pouvoir participer aux championnats du monde avec la France cette année ?
« J’aimerais pouvoir peut-être assister aux championnats du monde cette année à Ostrava mais surtout à la qualification aux Jeux Olympiques, qui reste toujours un des derniers buts à atteindre dans ma carrière. Notre génération commence petit à petit à partir et je pense sincèrement que ce serait injuste de ne pas participer aux JO car notre génération a quand même énormément donné pour le hockey français. »
Pensez-vous à votre après-carrière ? Aimeriez-vous coacher un jour une équipe à la suite de vitre carrière ?
« Je ne regarde pas si loin honnêtement. J’aimerais prendre une ou deux années à profiter pleinement de mes enfants et à rester auprès d’eux avant de considérer un job en tant que coach. J’aimerais coacher un jour ça c’est sûr, mais cela dépendra bien sûr de la situation avec mes enfants. »
Merci Stéphane d’avoir répondu à nos questions, avant de conclure ce portrait d’une carrière d’exception, pourriez vous nous dresser un top 3 des meilleurs moments de votre carrière et pourquoi ces moments-ci ?
« Le premier moment marquant de ma carrière a été le jour où j’ai signé mon premier contrat NHL. Ce jour a été très émotionnel, notamment après un parcours atypique et du travail acharné en tant que petit français jouant dans la cours des grands.
Le deuxième moment important de ma carrière a été d’arriver en finales de la coupe Gagarine en KHL même si nous avons perdu au 7eme et ultime match de l’année. Ce moment représente un gros regret mais une expérience incroyable et inoubliable pour moi.
Enfin, un des moments les plus marquants de ma carrière a été le mondial à Minsk et un tournoi exceptionnel avec à la clef un beau 1/4 de finale contre la Russie. Il y a également eu le mondial à Paris en 2017 où on a fait un gros tournoi aussi, c’était sûrement le tournoi en équipe de France le plus excitant car c’était à la maison et l’adrénaline a pris le dessus. J’ai adoré enfin jouer à la maison devant nos supporters et donner une très belle image du hockey français. Nous avons manqué le 1/4 de finale d’un seul point mais nous le méritions tellement au vue de notre tournoi. »
Si nous devions conclure sur l’incroyable carrière de Stéphane Da Costa, il est possible d’affirmer qu’il a connu une grande carrière dans le monde du hockey français, mais aussi dans le monde du hockey professionnel. De plus, il sera sans doute reconnu comme l’un des meilleurs, voire le meilleur joueur français de tous les temps. Et vous ? Pensez-vous que Stéphane Da Costa est et peut être considéré comme le meilleur joueur français de tous les temps ?
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